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broc de vin aigre, tout en composant une épitaphe pour le chien favori de madonna Cecilia.

Le poète, tout en observant les derniers charbons s’éteindre dans son poêle, essayait vainement de se réchauffer en entortillant ses jambes maigres dans le manteau doublé d’écureuil, rongé par les mites, qui lui servait de couverture. Il écoutait les hurlements du vent et songeait au froid de la nuit.

Au bal de la cour, l’on devait représenter une allégorie composée par lui en l’honneur de la duchesse : Le Paradis. S’il avait refusé de s’y rendre, ce n’était pas qu’il fût malade, bien que souffrant depuis longtemps et si amaigri que, selon lui, « on pouvait en regardant son corps étudier l’anatomie de tous les muscles, de toutes les veines et de tous les os ». Même à son dernier souffle, il se serait traîné jusqu’au palais. La véritable cause de son absence était la jalousie : il aimait mieux geler dans sa mansarde plutôt que d’assister au triomphe de son rival, ce fripon et intrigant d’Unico, qui, par des vers stupides, avait su faire tourner la tête de toutes les grandes dames.

Rien que de penser à Unico, toute la bile remontait au cœur de Bellincioni. Il serrait ses poings et sautait à bas de son lit. Mais il faisait si froid dans sa chambre que tout de suite, raisonnablement, il se recouchait, tremblant, toussant, et s’enveloppait dans la vieille fourrure.

« Les misérables ! jurait-il. Quatre sonnets sur le chantier avec des rythmes merveilleux, et en échange pas un fagot ! L’encre est capable de geler, je ne