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tout de blanc vêtu, avec des manches rejetées, doublées de satin rose, des diamants à ses souliers blancs, son visage veule, efféminé, charmait les dames. Un murmure approbateur circulait dans la foule, lorsque dansant la « Cruelle Destinée », il laissait tomber son soulier ou son manteau en continuant à danser dans la salle avec cette « négligence attristée » que l’on considérait comme un signe de haute élégance.

Longtemps Danilo Mamirof le regarda, puis cracha :

— Paillasse, va !

La duchesse aimait les danses. Mais ce soir son cœur était sombre et oppressé. Seule son hypocrisie habituelle l’aidait à remplir son rôle de maîtresse de maison, à répondre par des fadaises aux compliments stupides de nouvel an, aux écœurantes platitudes des vassaux. Par instants, elle croyait, à bout de forces, qu’elle serait obligée de se sauver en sanglotant. Ne se trouvant bien nulle part, et errant dans les salles, elle entra dans le petit salon des dames où, autour de la cheminée dans laquelle flambaient gaiement les bûches, de jeunes dames et des seigneurs causaient en cercle.

Elle demanda le sujet de leur conversation.

— Nous parlons de l’amour platonique, Altesse, répondit une des dames. Messer Antoniotto Fregoso nous prouve qu’une femme peut baiser un homme sur les lèvres, sans que sa chasteté en soit atteinte, si ce dernier l’aime d’amour céleste.

— Comment le prouvez-vous, messer Antoniotto ? demanda la duchesse en clignant distraitement des yeux.