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les couvertures ; mais, à côté de la peur, naissait chez lui un ardent et curieux désir de voir une fois au moins celle qui lui causait tant d’effroi.

Dès que Beltraffio fut en âge d’apprendre un métier, Oswald le confia à un moine iconographe, fra Benedetto.

C’était un bon et simple vieillard. Il apprit à Giovanni, avant toute chose, au début d’un travail, à appeler la protection de Dieu puissant, de la Vierge Marie, défenderesse des pécheurs, de saint Luc, le premier iconographe chrétien, et de tous les saints du Paradis ; ensuite, à s’orner d’amour, de crainte, d’obéissance et de patience ; enfin, à maroufler des toiles avec un jaune d’œuf mêlé au suc lacté des jeunes branches de figuier, délayé dans du vin coupé d’eau ; à préparer, pour les tableaux, des planches en bois de figuier ou de hêtre, en les frottant avec de la poudre d’os calcinés et en employant à cet usage des os de poulet ou de chapon ou encore des côtes ou des épaules de mouton.

C’étaient des recommandations infinies. Giovanni savait à l’avance avec quel dédain fra Benedetto dresserait les sourcils quand quelqu’un lui parlerait de la couleur dénommée sang de dragon, sans manquer de répondre : « Laisse-la ; elle ne peut t’apporter aucun honneur. » Giovanni devinait que les mêmes paroles avaient dû être prononcées par le professeur de fra Benedetto et par le professeur du professeur de celui-ci.

Aussi invariable était le sourire fier de fra Benedetto