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L’artiste, espérant recevoir de plus exacts renseignements de Karatchiarof, s’adressa à lui par l’entremise de l’interprète et commença à le questionner sur sa contrée lointaine, qui excitait la curiosité de Léonard, comme tout ce qui était immense et énigmatique ; il s’enquit de ses plaines infinies, de son climat rigoureux, de ses fleuves et de ses bois immenses, du flux et du reflux dans l’Océan hyperboréen et la mer Caspienne, de l’aurore boréale, de ses amis qui habitaient Moscou.

— Messer, demanda à l’interprète la curieuse et malicieuse Hermelina, j’ai entendu dire qu’on dénommait cette étrange contrée « Rossia », parce qu’il y poussait beaucoup de roses. Est-ce vrai ?

Boccalino se prit à rire et assura à la jeune fille que c’était pure invention, que la Rossia, en dépit de son nom, produisait moins de roses que n’importe quel pays, et conta, à l’appui de son affirmation, la nouvelle italienne symbolisant le froid russe.

Quelques marchands florentins étaient une fois venus en Pologne. On ne les laissa pas avancer plus loin, le roi polonais étant en guerre avec le grand-duc de Moscovie. Les Florentins, qui désiraient acheter des fourrures, prièrent les marchands russes de se rendre sur la rive du Borysthène, fleuve séparant les deux pays. Les Moscovites, qui craignaient d’être faits prisonniers, se placèrent sur une rive, les Florentins sur l’autre, et ils se prirent à marchander en criant. Mais le froid était si vif que les mots n’atteignaient pas la berge opposée et gelaient dans l’air. Alors, les Moscovites inventifs allumèrent un grand bûcher au milieu du