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Mamirof étincelaient de colère, de fierté et d’irréductible obstination. La crosse de sa canne, constellée d’émeraudes, tremblait dans ses mains. Il était visible qu’aucune force n’aurait raison de son en-têtement.

Ludovic appela près de lui l’ambassadeur de Venise, et, avec l’amabilité charmeuse qui lui était particulière, s’excusa, lui promit sa bienveillance et le pria, comme un service personnel, d’échanger sa place pour éviter les discussions, lui assurant que personne n’attachait d’importance au stupide orgueil de ces barbares. En réalité, le duc attachait un grand prix à l’amitié du « grand-duc de Rossia », car il espérait par son entremise conclure une alliance avantageuse avec le sultan.

Le Vénitien contempla Mamirof avec un fin sourire et, haussant dédaigneusement les épaules, observa que Son Altesse avait raison – de telles discussions au sujet d’une préséance étaient indignes de gens cultivés. Puis il s’assit à la place désignée.

Sans prêter attention aux regards hostiles, caressant avec satisfaction sa longue barbe grise, remontant sa ceinture sur son gros ventre et son manteau d’aksamyte pourpre, doublé de martre sur les épaules, Danilo Kouzmitch, d’une marche pesante et digne, vint s’asseoir à la place conquise. Un sentiment sombre, joyeux et enivrant, emplissait son âme.

Nikita et l’interprète Boccalino prirent place au bas bout de la table, auprès de Léonard de Vinci.

Le Mantouan vantard racontait les merveilles qu’il avait vues à Moscou et mêlait la réalité à la fantaisie.