Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/297

Cette page n’a pas encore été corrigée

inviter nulle part. Des barbares. Leur langage est presque turc. Quelle tribu de fauves !

L’alerte et intrigant Boccalino, interprète mantouan, se faufila près de Mamirof :

— Messer Daniele, messer Daniele, murmura-t-il avec force courbettes en estropiant la langue russe ; cela n’est pas possible, vraiment pas possible. Il faut vous asseoir. C’est la coutume à Milan. Discuter est de mauvais goût. Le duc se fâche.

Le jeune compagnon du vieillard, Nikita Karatchiarof, secrétaire de l’ambassade, s’approcha également :

— Danilo Kouzmitch, mon petit père, daigne ne pas te fâcher. Dans un couvent étranger, on n’impose pas ses lois. Ces gens sont d’une autre race que nous et ignorent nos habitudes. Un affront est vite reçu. On pourrait nous faire sortir…

— Tais-toi, Nikita ! Tu es trop jeune pour donner des leçons. Je sais ce que je fais. Non, je ne m’assoirai pas au-dessous de l’ambassadeur de Venise. C’est une offense à notre ambassade. Il est dit : chaque ambassade représente en personne et en discours son empereur. Et le nôtre est le très chrétien autocrate de toutes les Russies…

— Messer Daniele, ô messer Daniele ! disait l’interprète Boccalino, affolé.

— Laisse-moi ! Pourquoi te trémousses-tu, sale gueule de singe ? J’ai dit, je ne m’assoirai pas et je ne m’assoirai pas.

Sous les sourcils froncés, les petits yeux d’ours de