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Depuis quelque temps elle avait perdu la gaieté qui plaisait tant au duc et attendait avec de tristes pressentiments le moment de ses couches.


II

Un soir de décembre, tandis que les flocons de neige qui couvraient les rues de la ville augmentaient le silence des ténèbres, Ludovic le More était assis dans le petit palais dont il avait fait cadeau à sa nouvelle maîtresse, madonna Lucrezia Crivelli. Un grand feu flambait dans l’âtre, illuminait les ferrures des portes vernies à dessins de mosaïque qui représentaient les perspectives des anciens monuments de Rome ; le plafond était à caissons dorés, les murs tendus de cuir de Cordoue, les hauts fauteuils en ébène, la table ronde recouverte de velours vert, sur laquelle traînaient le roman de Boiardo, des rouleaux de musique, une mandoline en nacre et une coupe en cristal taillé, pleine d’eau Balnea Aponitana, très à la mode chez les dames de la cour. Au mur était pendu le portrait de Lucrezia par Léonard.

Au-dessus de la cheminée, dans un décor de Caradasso, des oiseaux picoraient des grappes de raisin, et des enfants nus, ailés – anges chrétiens ou amours païens – dansaient en brandissant les saints instruments