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avec l’inscription : Ecce deus ! certifiait également, à ses yeux, son origine divine.

Mais, en dépit de son aisance extérieure, une peur et une inquiétude secrètes tourmentaient le duc. Il savait que le peuple ne l’aimait pas, le considérant comme l’usurpateur du trône. Une fois, en apercevant sur la place d’Arrengo la veuve du feu duc Jean Galéas qui tenait son fils par la main, la foule avait crié :

— Vive le duc légitime Francesco !

L’enfant avait huit ans. Son intelligence et sa beauté étaient remarquables. D’après l’ambassadeur de Venise, Marino Sanuto, « le peuple le désirait pour roi, comme on désire un Dieu ». Béatrice et Ludovic voyaient que la mort de Jean Galéas avait déçu leurs espérances, puisqu’elle ne les avait pas légitimés. Et dans la personne de cet enfant, le défunt sortait de sa tombe.

À Milan, on parlait de mystérieux présages. On racontait que la nuit, au-dessus des tours du château, se montraient des feux pareils à des lueurs d’incendie et que dans les appartements retentissaient d’horribles râles. On se souvenait que, lors de la mise en bière, l’œil gauche de Jean Galéas ne se fermait pas, ce qui annonçait la mort prochaine d’un de ses parents. La Vierge del Albora avait des paupières frémissantes. La vache d’une vieille paysanne avait mis bas un veau à deux têtes. La duchesse était tombée évanouie dans une salle abandonnée, effrayée par une vision, et ensuite n’en voulut parler à personne, pas même à son mari.