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Léonard le prit par la main et l’emmena hors de la foule.


IX

Lorsqu’ils eurent quitté la place emplie de fumée nauséabonde, ils suivirent une sombre impasse et se trouvèrent sur les bords de l’Arno.

Tout était, ici, calme et désert. Seules les vagues clapotaient. Le croissant de la lune éclairait les cimes majestueuses argentées par le givre. Les étoiles brillaient, tantôt sévères et tantôt tendres.

— Pourquoi t’es-tu enfui, Giovanni ? demanda Léonard de Vinci.

L’élève leva vers lui les yeux, voulut parler, mais sa voix se brisa, ses lèvres tremblèrent et il pleura.

— Pardonnez, maître…

— Tu n’es point fautif devant moi, répondit l’artiste.

— Je ne savais ce que je faisais, continua Beltraffio. Comment, mon Dieu ! comment ai-je pu vous quitter ?

Il voulait raconter sa folie au maître, ses tourments, ses terribles idées de la coupe du Seigneur et de celle du diable, ses visions doubles du Christ et de l’Antéchrist, mais il sentit de nouveau, comme devant la statue de Sforza, que Léonard ne le comprendrait