Une toux obstinée l’empêcha d’achever.
La chambre était maintenant plongée dans l’obscurité : Giovanni distinguait avec peine les traits du vieillard. La pluie devenait plus forte et l’on entendait les gouttes tomber dans le ruisseau.
— Voilà, moinillon !… murmurait Merula avec peine. Que te disais-je ? Ma femme est une beauté. Non, ce n’est pas ça. Attends. Oui, oui… Tu te souviens du vers :
Tu regere imperio populos, Romane, memento…
Écoute, c’étaient des hommes gigantesques ! Les maîtres du monde !
Sa voix trembla et Giovanni crut distinguer des larmes dans ses yeux.
— Oui, des hommes gigantesques ! Maintenant, c’est honteux à dire… Par exemple, ne fût-ce que notre duc de Milan, Ludovic le More. Certainement, je suis à ses gages, j’écris son histoire, à l’instar de Tite-Live, et je compare ce lièvre peureux à Pompée et à César. Mais, au fond de mon âme, Giovanni, au fond de mon âme…
Par habitude de vieux courtisan, il jeta un coup d’œil vers la porte et, s’approchant de son interlocuteur, lui glissa à l’oreille :
— Dans l’âme du vieux Merula ne s’est jamais éteint et ne s’éteindra jamais l’amour de la liberté. Seulement ne le dis à personne. Les temps sont mauvais. Il n’y en a jamais eu de pires. Et qu’est-ce que