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pour acheter les œuvres d’art des palais dévastés par l’armée sacrée. Dans ce même dessein également était à Florence Giorgio Merula. Le commerçant pria Giovanni de le conduire auprès du supérieur, et ils se rendirent tous deux dans la cellule de Savonarole.

Resté près de la porte, Beltraffio entendit la conversation de Buonaccorsi et du prieur de San Marco.

Messer Cipriano proposa d’acheter pour vingt-deux mille florins or tous les livres, tableaux, statues et objets d’art qui devaient ce jour-là être livrés aux flammes.

Le prieur refusa.

Buonaccorsi réfléchit et ajouta huit mille florins.

Le moine ne daigna pas répondre, gardant un visage sévère et impénétrable.

Alors, Cipriano ramena sur ses genoux les pans de son vêtement, soupira, cligna des yeux et dit, de sa voix agréable, toujours égale et calme :

— Frère Savonarole, je me ruinerai, je vous donnerai tout ce que je possède – quarante mille florins.

Savonarole le regarda et demanda :

— Si vous vous ruinez et que vous n’ayez aucun bénéfice en cette affaire, quel est votre but ?

— Je suis né à Florence et j’aime ce pays, répondit simplement le commerçant. Je ne voudrais pas que les étrangers puissent dire qu’à l’instar des barbares nous brûlons les innocentes productions des sages et des artistes.

Le moine eut une expression étonnée et murmura :

— Ô mon fils, si tu pouvais aimer ta patrie céleste