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les malédictions du moine contre les tentatives de l’art et de la science, il se souvenait des causeries de Léonard, de son visage calme, de ses yeux purs comme le ciel, de son sourire plein de charmeuse sagesse. Il n’avait pas oublié les terribles fruits de l’arbre empoisonné, les bombes, l’oreille de Denys, la machine élévatoire du Clou sacré, le visage de l’Antéchrist caché sous celui du Christ. Mais il lui semblait qu’il avait mal compris le maître, qu’il n’avait pas deviné le secret de son cœur, qu’il n’avait pas tranché le nœud de cette existence dans laquelle se rencontraient toutes les voies et se résolvaient toutes les contradictions.

Ainsi Giovanni se rappelait l’année écoulée au couvent de San Marco. Et pendant que, plongé dans ses méditations, il se promenait dans la galerie, le soir tomba, les cloches sonnèrent l’Ave Maria, et, en une longue file noire, les moines se rendirent à l’église.

Giovanni ne les suivit pas, il s’assit à sa place accoutumée, ouvrit de nouveau l’Épître de saint Paul, assombri par les insinuations du diable, le grand logicien, il transposa dans son esprit ainsi les paroles de l’Épître :

« Vous ne pouvez pas ne pas boire dans la coupe du Seigneur et dans celle du diable ; vous ne pouvez pas ne pas manger à la table du Seigneur et à celle du démon. »

Souriant amèrement, il leva les yeux vers le ciel où il vit l’étoile du soir, pareille à la lumière du plus superbe des anges des ténèbres, Lucifer le Fulgurant.