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— J’ose vous rappeler, frère Savonarole, que je ne suis accrédité que pour un entretien secret.

Savonarole se leva, alla à la porte et l’ouvrit toute grande.

— Écoutez ! cria-t-il, écoutez tous, car non seulement à vous, frères, mais à toute la ville de Florence, j’annonce ce honteux marché – le choix entre l’excommunication ou la barrette !

Ses yeux creux brûlaient comme des tisons sous son front bas. Sa mâchoire inférieure, difforme, tremblante, s’avançait avec une expression de haine et de diabolique orgueil.

— Le temps est venu ! Je marcherai contre vous, cardinaux et prélats romains, comme contre des païens ! Je tournerai la clef dans la serrure, j’ouvrirai le coffret abominable, et il s’échappera de votre Rome une telle puanteur que les gens en seront asphyxiés. Je dirai des mots qui vous feront pâlir, et le monde tremblera sur ses bases, et l’Église de Dieu, tuée par vous, entendra ma voix : « Lève-toi, Lazare ! » et elle se lèvera et sortira de sa tombe… Je ne veux ni vos mitres ni vos barrettes !… Je n’aspire, ô Seigneur, qu’à la barrette de la mort, à la couronne sanglante de tes martyrs !

Il tomba à genoux, en sanglotant, ses mains pâles tendues vers le crucifix.

Ricciardo profita de cet instant de confusion générale ; il s’échappa adroitement de la cellule et s’éloigna rapidement.