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— Non, non, Dieu m’est témoin, je ne le crois pas, c’est une calomnie… Cela ne peut exister ! se répétait-il, et il sentait pourtant que tout était possible dans ce terrible nid des Borgia.

Une sueur glacée perla sur le front du moine. Il se jeta à genoux devant le crucifix.

On frappa à la porte.

— Qui est là ?

— C’est moi, père !

Savonarole reconnut la voix de son adjoint et très fidèle ami, fra Domenico Buonviccini.

— Le vénérable Ricciardo Becchi, envoyé du pape, demande la permission de te parler.

— Bien. Qu’il attende. Envoie-moi le frère Sylvestre.

Sylvestre Maruffi était un moine faible d’esprit, épileptique, que Savonarole considérait comme la coupe élue des bienfaits de Dieu. Il l’aimait et le craignait, expliquait les visions de Sylvestre selon toutes les règles de la raffinée scolastique de Thomas d’Aquin, à l’aide de déductions astucieuses, de combinaisons logiques, d’apophtegmes et de syllogismes, trouvant un sens prophétique là où les autres ne voyaient qu’un balbutiement incompréhensible de fanatique. Maruffi ne témoignait d’aucun respect vis-à-vis de son supérieur, souvent l’outrageait, l’injuriait devant tout le monde et même le battait. Savonarole supportait ces offenses avec humilité et l’écoutait religieusement. Si le peuple florentin était en la puissance de Savonarole, celui-ci à son tour était entre les mains de l’idiot Maruffi.