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d’azur portant l’inscription : « Je suis la Miséricorde. »

Un pâle rayon de soleil de février se glissait à travers les barreaux de la fenêtre de la cellule aux murs blanchis à la chaux. Un grand crucifix et de gros livres reliés en peau en étaient tout l’ornement. Par instants parvenaient les cris des hirondelles. Savonarole ressentait une grande fatigue et des frissons de fièvre. Ayant posé la plume sur la table, il emprisonna sa tête dans ses mains, ferma les yeux et se prit à songer à tout ce que, le matin même, le frère Paolo, envoyé secrètement à Rome, lui avait narré sur la vie privée du pape Alexandre VI (Borgia). Pareilles à des tableaux de l’Apocalypse passaient devant les yeux de Savonarole des figures monstrueuses : le taureau pourpre des armes des Borgia d’Espagne, semblable à l’antique Apis d’Égypte ; le Veau d’or offert au souverain pontife à la place de l’Agneau sans tache ; après les festins, les jeux obscènes dans les salles du Vatican, sous les regards du Saint-Père, de sa bien-aimée fille et d’une foule de cardinaux ; la ravissante Julie Farnèse, la jeune maîtresse du pape sexagénaire, servant de modèle aux tableaux saints ; les deux fils aînés d’Alexandre, don César, jeune cardinal de Valence, et don Juan, le porte-étendard de l’Église romaine, se détestant jusqu’au meurtre par amour pour leur sœur Lucrèce.

Et Savonarole frissonna en se souvenant de ce que fra Paolo avait osé lui murmurer à l’oreille : les relations incestueuses du père et de la fille, du vieux pape et de madonna Lucrezia.