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des voleurs, nous nous introduisîmes dans l’atelier vide. Cesare fouilla, tira un cahier de dessous une pile de livres et me montra les dessins. Je savais que j’agissais mal, mais je n’avais pas la force de résister et je regardais curieusement.

C’étaient des dessins de gigantesques bombes explosives, de canons à gueules multiples et autres engins de guerre, exécutés avec la même légèreté de traits et d’ombres que les visages de ses plus belles vierges. En marge, de la main de Leonardo, était écrit : « Ceci est une bombe d’un très bel et utile agencement. Le coup de canon tiré, elle s’allume et éclate, le temps de réciter Ave Maria. »

Ave Maria ! répéta Cesare. Comment cela te plaît-il, mon ami ? Quel emploi inattendu de la prière chrétienne ! Ave Maria à côté d’une semblable monstruosité ! Que n’inventerait-il pas… À propos, sais-tu comment il qualifie la guerre ?

— Non.

Pazzia bestialissima. – Folie très bestiale. N’est-ce pas un mot curieux, sur les lèvres de l’inventeur de pareilles machines ? Voilà l’homme pur qui protège les bêtes, s’abstient de leur chair, ramasse un vermisseau afin qu’on ne le piétine. L’un et l’autre ensemble. Aujourd’hui le dernier des derniers, demain saint Janus au visage double, l’un tourné vers le Christ, l’autre vers l’Antéchrist. Va, cherche, trouve lequel des deux est sincère ou menteur ? Ou bien, les deux sont sincères. Et tout cela, le cœur léger, plein du mystère de la beauté charmeuse, comme en jouant !