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une chambre en haut, lisant mon livre favori Fioretti di S. Francesco, lorsque dans toute la maison retentirent les cris de notre cuisinière, la bonne et fidèle Mathurine.

— Au feu ! au feu ! À l’aide ! nous brûlons !

Je me précipitais et l’épouvante me saisit en voyant une épaisse fumée blanche qui remplissait l’atelier de Léonard. Illuminé par le reflet bleu de la flamme, le maître se tenait au milieu des nuages de fumée, tel un mage antique, et contemplait avec un sourire malin et joyeux Mathurine, blême de terreur, faisant de grands gestes, et Marco accourant avec deux seaux d’eau qu’il aurait incontinent vidés sur la table, sans souci des dessins et manuscrits, si le maître ne l’avait arrêté à temps en lui criant que c’était une plaisanterie. Alors, nous vîmes que la fumée et la flamme provenaient d’une poudre blanche, mélange de colophane et d’encens, posée sur une pelle en cuivre, poudre inventée par lui pour simuler les incendies. Je ne sais lequel des deux était le plus heureux de cette gaminerie, du compagnon inséparable de ses jeux, cette petite canaille de Jacopo, ou de Léonard lui-même. Comme il riait de la peur de Mathurine et des seaux de Marco ! Dieu est témoin qu’un homme qui rit ainsi ne peut être un mauvais homme. Cesare ment lorsqu’il parle de lui. Mais, malgré sa joie et ses rires, Léonard n’a pas manqué d’inscrire ses observations sur les rides formées par la peur que reflétait le visage de Mathurine.