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— Encore le mensonge et l’hypocrisie !

— Où vois-tu le mensonge, Cesare ? demandai-je avec étonnement. Il me semble que le maître…

— Ne tends pas vers l’impossible, ne désire pas l’inaccessible !… Il se trouvera encore des imbéciles pour le croire. Mais nous ne serons pas de ceux-là. Il ne devrait pas le dire, je ne devrais pas l’écouter ! Je le connais par cœur… Je vois au travers de lui…

— Et que vois-tu, Cesare ?

— Que toute son existence n’a été consacrée qu’à la poursuite de l’impossible. Non, dis-moi, je te prie, inventer des machines permettant aux hommes de voler, tels des oiseaux, de nager comme des poissons, n’est-ce pas tendre vers l’impossible ? Et les monstres extraordinaires formés par les taches d’humidité, par les nuages, la beauté divine pareille à celle des séraphins, où prend-il tout cela ? Dans l’expérience, dans les tablettes mathématiques pour les mesures de nez, ou la cuiller pour mesurer la couleur ? Pourquoi se trompe-t-il lui-même et trompe-t-il les autres ? Pourquoi ment-il ? La mécanique lui est nécessaire pour des miracles, pour s’élever sur des ailes vers le ciel, vers Dieu ou vers le diable, cela lui est indifférent, pourvu que ce soit de l’inconnu, de l’impossible ! Car il n’a peut-être pas la foi, mais la curiosité qui brûle en lui comme un tison ardent et que rien ne saurait éteindre, ni aucune science ni aucune expérience !

Les paroles de Cesare ont empli mon âme de trouble et de peur. Tous ces jours-ci j’y songe. Je veux et ne puis les oublier.