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sa main, un sentiment de peur s’empare de lui. Il n’est jamais content de ce qu’il a fait. Dans des œuvres qui paraissent aux autres le comble de la perfection, il trouve des erreurs. Il poursuit tout le temps l’insaisissable, ce que la main humaine – quel que soit l’infini de son art – ne peut exprimer. Voilà pourquoi presque jamais il n’achève ses œuvres.

Andrea Salaino est tombé malade. Le maître le soigne, passe ses nuits à son chevet. Mais il ne veut pas entendre parler de médicaments. Marco d’Oggione, en cachette, a apporté au malade des pilules. Léonard les a trouvées et les a jetées par la fenêtre. Lorsque Andrea lui-même insinua qu’une saignée serait peut-être salutaire, qu’il connaissait un excellent barbier expert en cette matière, Léonard s’est fâché sérieusement, a donné des noms grossiers à tous les docteurs, et a dit entre autres choses :

— Je te conseille de penser non à la façon de te soigner, mais à celle de conserver ta santé, ce que tu atteindras d’autant plus facilement que tu éviteras le plus les docteurs, dont les médicaments sont aussi stupides que les compositions des alchimistes.

Et il ajouta avec un sourire gai et malin :

— Comment pourraient-ils ne pas s’enrichir, ces menteurs, lorsque chacun ne songe qu’à ramasser le plus d’argent possible pour le donner aux médecins,