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À la fois mille travaux. Il n’en achève pas un sans s’attaquer à un autre. Cependant chaque travail ressemble à un jeu, chaque jeu à un travail. Il est divers et inconstant. Cesare dit que les rivières couleront plutôt vers leur source, que Léonard ne se confinera en une seule œuvre et la mènera à bonne fin. En riant il l’appelle le plus grand des déréglés, assurant que de tous ces labeurs il n’y aura aucun profit. Léonard selon lui aurait écrit cent vingt livres « sur la nature », delle cose naturali. Mais ce ne sont que des notes prises au hasard, des bouts de papier, des remarques. Plus de cinq mille feuilles dans un tel désordre que lui-même souvent ne peut s’y retrouver.

Quelle insatiable curiosité, quel bon et prophétique regard il a pour la nature ! Comme il sait remarquer l’imperceptible ! Il a pour tout un heureux étonnement, avide, pareil à celui des enfants et tel que devaient l’éprouver les premiers habitants du paradis.

Des fois d’une chose très vulgaire, il s’exprime d’une façon telle que, si l’on vivait cent ans, on ne pourrait l’oublier.

L’autre jour, en entrant dans ma chambre, le maître me dit : « Giovanni, as-tu remarqué que les