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dosage mathématique de la couleur dans les gradations de teintes imperceptibles à l’œil. Par exemple, pour obtenir un certain degré d’ombre il faut employer dix cuillers de noir, pour la gradation suivante il faudra en prendre onze, puis douze, puis treize et ainsi de suite. Chaque fois qu’on a puisé de la couleur, on coupe le monticule, on égalise avec une équerre de verre, comme au marché on égalise les mesures de grains.

Marco d’Oggione est l’élève le plus appliqué et le plus consciencieux de Léonard. Il travaille comme un bœuf de labour, il exécute exactement toutes les règles du maître ; mais visiblement, plus il s’applique, moins il réussit. Marco est têtu : on ne pourrait, même à coups de marteau, faire sortir de son cerveau l’idée qu’il y a logée. Il est convaincu que « patience et travail ont raison de tout », et il ne perd pas l’espoir de devenir un jour un peintre célèbre. Il est celui d’entre nous tous qui se réjouit le plus des inventions du maître, ramenant l’art à la mécanique. Ces jours derniers, ayant pris le livre chiffré pour la notation des visages, il s’est rendu sur la place du Broletto, a choisi ses types dans la foule et les a marqués à la tablature. Mais rentré à l’atelier, après s’être débattu des heures entières, il n’a jamais rien pu reconstituer. Le même malheur lui est arrivé avec la cuiller qu’il ne sait employer. Marco explique ses