Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée

tendres et mobiles, au centre duquel s’avançait un nez pourpre, entre deux yeux gris de plomb, pleins de vie et de joyeuse turbulence. À côté de lui, sur le rebord de la croisée, étaient posés une cruche de terre et un verre. Le savant se versa une rasade, vida le verre d’un trait, toussa et allait se remettre à son travail, lorsqu’il aperçut Giovanni.

— Bonjour, moinillon ! dit-il plaisamment. Je m’ennuyais après toi. Je me demandais où tu traînais ? Peut-être as-tu déjà découvert quelque belle fille… Les Florentines sont jolies, et s’enamourer n’est pas un péché. Et moi non plus je ne perds pas mon temps. Tu n’as peut-être jamais vu une chose aussi amusante que celle-ci. Veux-tu ? Je te la montrerai… Ou bien, non ! Tu bavarderais. J’ai acheté cela pour un sou chez un juif ; je l’ai trouvé parmi de vieux chiffons. Allons, tant pis, je te le montre tout de même et seulement à toi.

Il lui fit signe d’approcher.

— Ici, ici, plus près du jour.

Et il lui indiqua une page couverte de caractères serrés. C’étaient des prières, des psaumes, avec des notes énormes et informes. Reprenant le livre des mains de Giovanni, Merula l’ouvrit à une autre page, le plaça devant la lumière, et Giovanni vit que là où le savant avait gratté les lettres, d’autres apparaissaient, tout à fait dissemblables, à peine visibles, restes incolores de l’écriture antique. Ce n’étaient plus des lettres, mais des fantômes de lettres, très pâles et très effacées !