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le visage d’une jolie jeune fille, crayonne des ombres transparentes, légères, telles de tremblantes ailes de papillons.

Aujourd’hui, il terminait devant moi le dessin de la tête penchée de la Vierge écoutant les paroles de l’archange. De dessous le bandeau orné de perles, comme si elles folâtraient pudiquement sous le souffle des ailes angéliques, deux mèches de cheveux se sont échappées, tressées à la mode des jeunes filles florentines, et formant une coiffure d’aspect négligemment libre, mais par le fait d’un art raffiné. La beauté de ces cheveux frisés charme comme une étrange musique. Et le mystère de ces yeux qui filtre à travers les paupières baissées et l’ombre soyeuse des cils ressemble au mystère des fleurs sous-marines que l’on voit à travers le flot mais qu’on ne peut atteindre. Tout à coup, le petit valet Jacopo est entré dans l’atelier et, sautant de joie, battant des mains, cria :

— Des monstres ! des monstres ! Messer Leonardo, allez vite à la cuisine ! Je vous ai amené de telles horreurs que vous vous en lécherez les doigts.

— D’où cela ? demanda le maître.

— Du parvis de San Ambrogio. Des mendiants de Bergame. Je leur ai dit que vous leur offririez à souper, s’ils voulaient vous permettre de faire leur portrait.

— Qu’ils attendent. Je finis à l’instant mon dessin.

— Non, maître, ils ne vous attendront pas. Ils