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Oswald Ingrim. Il m’a dit qu’il me reniait, que j’avais perdu mon âme en m’installant dans la maison de l’athée, de l’hérétique Léonard. Maintenant je suis seul, je n’ai plus personne au monde, ni parents ni amis, je n’ai plus que mon maître. Je répète la superbe prière de Léonard : « Que le Seigneur, lumière du monde, m’éclaire et m’aide à exposer la perspective, science de sa lumière. » Seraient-ce là les paroles d’un athée ?

Si triste que je puisse être, il me suffit de le regarder pour que je sente mon âme plus légère et joyeuse. Quels beaux yeux il a, purs, bleu pâle et froids comme la glace ! Quelle voix, calme et agréable ! Quel sourire ! Les gens les plus entêtés, les plus méchants ne peuvent résister à sa parole persuasive, s’il désire les faire incliner vers l’affirmative ou la négative. Souvent je le regarde, lorsqu’il est assis devant sa table de travail, plongé dans ses méditations, et lorsque, du mouvement habituel de ses doigts si fins, il tourmente et caresse sa barbe longue, dorée, douce et ondulée comme des cheveux de femme. Quand il parle avec quelqu’un, il cligne ordinairement un œil avec une expression maligne, moqueuse et bonne ; il semble alors que son regard, de dessous ses longs sourcils, vous pénètre jusqu’au fond de l’âme.