Les cloches des églises sonnèrent l’angélus. Dolfo s’étira joyeusement et ferma le livre. Giovanni sortit dans la rue.
Les toits humides se découpaient sur le ciel gris teinté de rose. Il bruinait. Tout à coup, d’une croisée de la ruelle voisine, s’échappa une chanson :
O vaghe montanine e pastorelle…
Ô montagnardes et pastourelles errantes…
La voix était jeune et sonore. Au rythme régulier, Giovanni devina que la chanteuse filait. Il écouta, se souvint qu’on était au printemps et sentit son cœur s’emplir d’une tristesse irraisonnée.
— Nanna, Nanna ! Mais où es-tu donc, fille du diable ? Es-tu sourde ? Viens vite, le souper refroidit.
Les zoccoli (souliers de bois) claquèrent, précipités, sur le parquet de briques, et tout se tut.
Longtemps encore, Giovanni resta à contempler la fenêtre. Dans ses oreilles s’égrenait le chant printanier, pareil aux sons voilés d’une flûte lointaine :
O vaghe montanine e pastorelle…
Puis, soupirant doucement, il pénétra dans la maison du prieur Buonaccorsi, monta un escalier raide, aux marches pourries, rongées par les vers, et frappa à la porte d’une grande chambre qui servait de bibliothèque. Là l’attendait, courbé au-dessus d’une table, Giorgio Merula, chroniqueur de la cour du duc de Milan.