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Et fixant son regard dans les yeux du roi, il ajouta :

— Quand je serai mort, Seigneur, n’abandonnez pas mon fils Francesco et Isabelle ma femme. La malheureuse n’a personne au monde…

— Ah ! Seigneur ! Seigneur ! s’écria Charles ému.

Ses lèvres épaisses frémirent, les coins s’abaissèrent et, comme s’il reflétait un feu intérieur, son visage s’éclaira d’une infinie bonté. Il se pencha vivement vers le malade et l’embrassant avec une tendresse impétueuse, balbutia :

— Mon frère chéri !… Mon pauvre petit !…

Tous deux se sourirent ainsi que des enfants chétifs et leurs lèvres s’unirent en un fraternel baiser.

Lorsqu’il fut sorti de la chambre du duc, le roi appela près de lui le cardinal :

— Briçonnet, hein ! Briçonnet… tu sais… il faut… d’une façon quelconque… prendre parti… On ne peut pas comme cela… Je suis un chevalier… Il faut le défendre, tu entends ?

— Majesté, répondit évasivement le cardinal, il mourra tout de même. Et de quel secours pourrons-nous lui être ? Nous nous ferions du tort. Le More est notre allié…

— Le More est un misérable, oui… sûrement… un assassin ! cria le roi.

Et dans ses yeux brilla une colère sensée.

— Que faire ! murmura Briçonnet avec un fin sourire. Le More n’est ni pire ni meilleur que les autres. C’est de la politique, Seigneur ! Nous sommes tous des hommes…