Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Moi, aux pieds de ce malingre idiot, moi, la petite fille de Ferdinand d’Aragon !

Elle se leva. Une rougeur empourpra ses joues. Le roi sentait qu’il lui était indispensable de dire quelque chose, de se tirer de ce mutisme inepte. Il fit un effort désespéré, tiqua de l’épaule, cligna des yeux, balbutia son éternel « hein ?… hein ?… quoi ?… », s’arrêta, eut un geste navré et se tut.

La duchesse le toisa avec un mépris non dissimulé. Charles baissait la tête, anéanti.

— Briçonnet, allons, allons… hein ?

Les pages ouvrirent la porte à deux battants. Charles entra dans la chambre du duc.

Les volets étaient ouverts. La lumière douce d’un soir d’automne tombait à travers les hautes futaies du parc.

Le roi s’approcha du lit du malade, le nomma « mon cousin » et s’inquiéta de sa santé.

Jean Galéas répondit par un si lumineux sourire que tout de suite Charles se sentit allégé, son trouble se dissipa et se calma peu à peu.

— Que le Seigneur envoie la victoire à Votre Majesté ! dit le duc. Quand vous serez à Jérusalem, auprès du Saint-Sépulcre, priez pour ma pauvre âme, car à ce moment-là je…

— Ah ! non, non ! Mon frère, pourquoi avez-vous de telles pensées ? interrompit le roi. Dieu est clément. Vous guérirez. Nous partirons ensemble en croisade. Vous verrez ! Hein ?

Jean Galéas secoua la tête :

— Non, je ne le pourrai pas.