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rentrée, un nez démesurément long et crochu, des cheveux roux déteints. Un étrange duvet jaunâtre remplaçait la barbe et les moustaches. Ses mains et son visage avaient de désagréables crispations. Ses lèvres épaisses, toujours entrouvertes comme chez les enfants, ses sourcils arqués au-dessus d’énormes yeux pâles à fleur de tête, lui donnaient une expression triste, distraite, et en même temps tendue, inhérente aux gens faibles d’esprit. Il parlait difficilement et par saccades. On racontait qu’il avait les pieds difformes et que pour les cacher il avait introduit la mode des larges souliers en velours noir en forme de sabot de cheval.

— Thibault ! eh ! Thibault ! cria-t-il à son valet, en interrompant la lecture et bégayant selon sa coutume, je… je voudrais, mon petit… tu sais ?… je voudrais boire. Hein ! il me semble… Probablement… Apporte-moi du vin, Thibault.

Le cardinal Briçonnet vint annoncer que le duc attendait la visite du roi.

— Hein ? hein ? quoi ? Le duc ? Oui, tout de suite… seulement, je veux boire d’abord…

Il prit la coupe remplie par l’échanson. Briçonnet arrêta le mouvement du roi et demanda à Thibault :

— Du nôtre ?

— Non, monseigneur. Des caves du palais…

Le cardinal jeta le contenu de la coupe.

— Excusez-moi, Majesté. Les vins de ce pays peuvent être nuisibles à votre santé. Thibault, donne ordre qu’on courre au camp chercher une bonbonne de notre vin.