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de l’employé. Giovanni, fronçant ses fins sourcils, se taisait, n’osant répliquer.

— Antonio, dit-il enfin, on m’a assuré que votre cousin, messer Leonardo da Vinci, prenait parfois des élèves. Je désire depuis longtemps…

— Si tu veux, interrompit Antonio boudeur, si tu veux, Giovanni, perdre le salut de ton âme…, va chez messer Leonardo.

— Comment ? Pourquoi ?

— Il est mon parent et plus âgé que moi de vingt ans, je lui dois le respect ; mais il est dit dans l’Écriture : « Détourne-toi de l’hérétique. » Messer Leonardo est un hérétique et un athée. Il croit, à l’aide des mathématiques et de la magie noire, pénétrer les mystères de la nature.

Et levant les yeux au ciel, Antonio répéta cette phrase du dernier sermon de Savonarole :

— La science de ce siècle est folie devant Dieu. Nous connaissons ces savants : tous s’en vont chez le diable (tutti vanno alla casa del diavolo).

— Et saviez-vous, continua Giovanni encore plus timidement, que messer Leonardo était en ce moment à Florence ?… Qu’il vient d’y arriver de Milan ?

— Pourquoi ?

— Le duc l’a chargé d’acheter quelques-uns des tableaux qui ont appartenu à feu Laurent le Magnifique.

— Qu’il soit ici ou n’y soit pas, cela m’est indifférent, interrompit Antonio en se détournant pour mesurer une coupe de drap vert.