Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec colère, mais si adroitement, qu’il tomba juste à la bonne place. Et levant l’index d’un air prophétique, imitant le frère Savonarole, il continua :

Gladius Dei super terram cito et velociter. Saint-Jean à Pathmos eut une vision : un ange prit le diable, le serpent, et l’enchaîna pour mille ans, le précipita dans l’abîme et mis dessus un scel, afin qu’il ne puisse plus tenter le monde tant que ne se seraient pas écoulées les mille années. Aujourd’hui Satan s’évade de son cachot. Les mille ans sont révolus. Les faux dieux, précurseurs et serviteurs de l’Antechrist sortent de dessous terre, brisant le sceau de l’Ange pour tenter l’univers. Malheur aux hommes, sur la terre et sur la mer !

— Drap jaune de Brabant, uni, dix-sept coudées, quatre pieds, neuf pouces.

— Pensez-vous, Antonio, demanda Giovanni avec une curiosité craintive et avide, que toutes ces apparitions doivent prouver…

— Oui, oui. Veillez ! Les temps sont proches. Maintenant, on ne se contente plus de déterrer les anciens dieux, on en crée de nouveaux. Les peintres et les sculpteurs servent Moloch, c’est-à-dire le diable. Ils font, des églises du Seigneur, des temples de Satan. Sous les traits des saints martyrs, ils figurent les dieux impurs qu’ils adorent : au lieu de saint Jean, Bacchus ; à la place de la Sainte-Vierge, Vénus. On devrait brûler tous ces tableaux et en disperser la cendre au vent !

Une lueur sombre pétilla dans les yeux vitreux