Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/163

Cette page n’a pas encore été corrigée

les autels et, à côté, des gamins jouaient à saute-mouton, les chiens se reniflaient, des mendiants en haillons se bousculaient.

Corbolo s’arrêta un instant près d’un groupe de badauds qui écoutaient avec un malin plaisir la dispute de deux moines. Le frère Cippolo, franciscain, à pieds nus, petit, roux, le visage gai, rond et gras comme une crêpe, voulait prouver à son interlocuteur, fra Timoteo, dominicain, que François étant semblable au Christ de quarante façons avait occupé au ciel la place restée libre après la chute de Lucifer, et que même la Sainte Vierge n’aurait pu distinguer ses stigmates des blessures de Jésus.

Morose, grand et pâle, fra Timoteo opposait à cette thèse les plaies de sainte Catherine qui portait au front la marque sanglante de sa couronne d’épines, tandis que saint François en était dépourvu.

Corbolo dut cligner des yeux au soleil, en sortant de l’obscurité de la cathédrale sur la place d’Arrengo, la plus animée de Milan, encombrée de boutiques de petits commerçants, poissardes, fripiers, marchands de légumes, dont les étalages ne laissaient qu’un étroit passage. De temps immémorial ils s’étaient incrustés sur cette place, et aucune loi, aucune amende n’avait eu raison de leur entêtement.

— La belle salade de Valtellina, des citrons, des oranges ! Voilà les artichauts, l’asperge, la belle asperge ! appelaient les marchands de légumes.

Les fripières marchandaient et caquetaient ainsi que des couveuses.