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Milan à Rome. Le matin, lorsque sa douce moitié se rendit chez sa voisine la fripière goûter au miliacci, sorte de gelée de sang de porc, Corbolo chercha dans ses poches les quelques pièces de monnaie échappées à la rapacité de la ménagère, confia la garde de la boutique à son apprenti et sortit pour se dégriser.

Les mains dans les poches de sa culotte râpée, il marchait sans se presser dans la tortueuse et sombre impasse, si étroite qu’un cavalier y rencontrant un piéton ne pouvait faire autrement que de l’accrocher de la botte ou de l’éperon. On y sentait l’huile d’olive chaude, les œufs pourris, le vin aigre et la moisissure des caves.

Sifflant une chanson, les yeux fixés sur la languette de ciel bleu qui se détachait entre les maisons hautes, prenant plaisir à voir le bariolage des chiffons de toutes sortes, qui puaient au soleil, sur les cordes tendues de fenêtre à fenêtre, Corbolo se consolait en se répétant le proverbe que jamais il n’avait mis à exécution : « Mala femina, buona femina, vuol bastone. Toute femme, bonne ou mauvaise, a besoin du bâton. »

Pour raccourcir le chemin, il traversa l’église. Là régnait un va-et-vient digne d’un marché. D’une porte à l’autre, malgré les cinq sous de droit d’entrée imposé par les fondateurs, une quantité de gens passaient, portant des bonbonnes de vin, des paniers, des corbeilles, des caisses, des planches, des poutres, des paquets ; quelques-uns même conduisaient par la bride des mulets et des chevaux. Les prêtres chantaient des Te Deum nasillards. Les lampes brûlaient devant