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le sel brûlé. C’était la dissolution sacrée, le trésor inestimable des alchimistes, la miraculeuse pierre philosophale, lapis philosophorum. Avec la pointe d’un couteau, il en détacha une parcelle, l’enferma dans une boule de cire vierge et la jeta dans l’étain en ébullition.

— Quelle force supposez-vous à votre dissolution ? demanda Marliani.

— Une partie pour deux mille cent vingt-huit parties de métal, répondit Galeotto. Certes, la dissolution n’est pas encore parfaite, mais je pense bientôt atteindre une unité pour un million. Il suffira de prendre la grosseur d’un grain de millet de cette poudre, de la dissoudre dans un tonneau d’eau, de puiser avec l’écorce de noyer sauvage, d’en arroser une vigne, pour avoir dès le mois de mai des raisins mûrs ! Mare tingerem, si mercurius esset ! J’aurais transformé la mer en or, s’il y avait assez de mercure !

Marliani haussa les épaules et se détourna. La vantardise de messer Galeotto le faisait enrager. Il commença à démontrer l’impossibilité des transmutations en citant à l’appui les arguments scolastiques et les syllogismes d’Aristote.

L’alchimiste sourit.

— Attendez, domine magister, dit-il doucement. Tout à l’heure je vous présenterai un syllogisme qu’il ne vous sera guère facile de réfuter.

Il jeta sur les charbons une pincée de poudre blanche. Des nuages de fumée emplirent le laboratoire. Crépitante, la flamme s’éleva multicolore, bleue, verte, rouge. Les invités se troublèrent et madonna Filiberta