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— Quel ennui ! dit la jeune fille en s’étirant et faisant craquer ses doigts blancs au-dessus de sa tête. Chaque jour est pareil. Aujourd’hui comme hier, demain comme aujourd’hui. Toujours cet imbécile de sonneur qui s’obstine à pêcher sans rien prendre ; toujours cette fumée du laboratoire de messer Galeotto qui cherche l’or et ne peut le trouver ; toujours ces barques et ces haridelles, toujours ces chants au cabaret. Oh ! quelque chose de nouveau ! Que les Français viennent au moins détruire Milan, que le sonneur prenne un poisson ou que mon oncle trouve l’or… Mon Dieu ! quel ennui !

— Je connais cela, répondit Giovanni. Parfois je suis si triste que j’aimerais à mourir. Mais fra Benedetto m’a appris une belle prière pour éloigner le démon de l’ennui. Voulez-vous que je vous la dise ?

La jeune fille secoua la tête :

— Non, Giovanni, il y a longtemps déjà que j’ai désappris à prier votre Dieu.

— « Notre » ? Mais y a-t-il un autre Dieu en dehors du nôtre, de l’unique ? demanda Giovanni.

Une flamme illumina le visage de Cassandra. Jamais encore elle n’avait paru à Giovanni aussi énigmatique, aussi triste et superbe.

Elle se tut un instant, passa la main dans ses cheveux noirs.

— Écoute, mon ami. Ceci se passait il y a très longtemps dans mon pays natal. J’étais enfant. Une fois mon père m’emmena avec lui pour un voyage. Nous visitâmes les ruines d’un vieux temple. Elles s’élevaient