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— Aux pêches.

— Oui. J’ai donné ordre au jardinier de lui porter en cadeau les plus mûres…

— Non, ce n’est pas à celles-là, mais à celles de messer Leonardo da Vinci. Tu ne sais donc pas ?

— Quoi ?

— Elles sont empoisonnées.

— Comment cela ?

— Il les empoisonne pour je ne sais quels essais. Peut-être quelque sorcellerie. C’est monna Sidonia qui me l’a conté. Quoique empoisonnées, ces pêches sont merveilleusement belles…

Et de nouveau régna le silence. Et longtemps ils restèrent ainsi enlacés dans l’obscurité, pensant tous deux à la même chose, chacun écoutant le cœur de l’autre battre précipitamment. Enfin le More embrassa paternellement le front de Béatrice et la bénit :

— Dors, chérie, dors !

Cette nuit-là, la duchesse rêva de splendides pêches sur un plat d’or. Elle se laissait tenter par leur beauté, mordait dans un fruit succulent et parfumé. Et subitement une voix lui soufflait : Poison ! poison ! poison !…

Elle s’effraya, mais ne pouvait s’arrêter et continuait à manger les pêches, l’une après l’autre ; il lui semblait qu’elle mourait, mais son cœur s’allégeait et se réjouissait de plus en plus.

Le duc eut aussi un rêve étrange : il se promenait sur la pelouse du Paradis, près de la fontaine, et il voyait dans le lointain trois femmes assises, pareillement vêtues de blanc et toutes trois enlacées comme