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La hure de sanglier absorba une bonne heure ; on ne regrettait pas le temps, se souvenant du proverbe : « À table, on ne vieillit pas. »

À la fin du souper, le gros moine Talpone (le Rat) excita la joie de tous les convives.

À force de ruses et de subterfuges, le duc de Milan était parvenu à attirer d’Urbino ce goinfre renommé que se disputaient les rois, et qui une fois, à Rome, à la très grande joie de Sa Sainteté, avait avalé le tiers d’une soutane d’évêque, coupée en menus morceaux imprégnés de sauce.

Sur un signe du duc, on plaça devant le moine un énorme plat de buzzecca, tripes farcies de marmelade de coings. Le moine, après s’être dévotement signé, retroussa ses manches et se prit à manger avec une prodigieuse rapidité.

— Si un pareil gaillard avait assisté à la multiplication des pains, il ne serait pas resté de quoi nourrir deux chiens ! s’écria Bellincioni.

Les invités s’esclaffèrent. Tous ces gens étaient dotés d’un rire sain et grossier, qui à chaque plaisanterie était prêt à se déchaîner en une explosion assourdissante. Seul, Léonard gardait sur son visage une expression d’ennui ; du reste, il était depuis longtemps habitué aux amusements de ses protecteurs et rien ne l’étonnait plus.

Lorsqu’on servit sur des plats d’argent des oranges dorées, bourrées de mauve odorante, le poète Antonio Camelli da Pistoïa, le rival de Bellincioni, lut une ode dans laquelle les Arts et les Sciences disaient