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les chasseurs dans le bois et lâché dans les jambes du fou. Diodio racontait sa valeureuse action et en était fier comme s’il avait exterminé le sanglier d’Érymanthe. On le taquinait, et pour lui prouver son mensonge, on lui apporta le groin. Il feignit d’être furieux. De fait c’était un rusé fripon, jouant le rôle avantageux de l’imbécile. Avec ses yeux de souris, il savait non seulement distinguer un cochon d’un sanglier, mais une mauvaise plaisanterie d’une bonne.

Les rires montaient toujours. Les visages s’animaient, rougissaient par suite de copieuses libations. Après le quatrième plat, les dames, en cachette, délacèrent leurs robes, sous la table. Les échansons versaient du vin blanc léger, et un autre de Chypre rouge et épais chauffé et préparé avec des pistaches, de la canelle et de la girofle.

Quand le duc demandait à boire, les échansons échangeaient des appels comme s’ils officiaient, prenaient la coupe, et le grand sénéchal, par trois fois, y plongeait un talisman, une licorne pendue à une chaîne d’or : si le vin était empoisonné, le talisman devait noircir et s’inonder de sang. De semblables talismans – pierre de bufonite et langue de serpent – étaient fichés dans la salière.

Le comte Bergamini, le mari de Cecilia, assis à la place d’honneur par ordre du maître, et qui, en dépit de la goutte et de la vieillesse, se montrait particulièrement gai et fringant ce soir-là, murmura en désignant la licorne :

— Je suppose, Altesse, que le roi de France lui-