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« Impénétrables sont tes projets, Seigneur ! songeait le duc, pendant que son secrétaire cherchait, dans une liasse de papiers, le brouillon de la lettre. Le salut de mon royaume, de l’Italie, de toute l’Europe, peut-être, est entre les mains de ce piteux et luxurieux enfant, faible d’esprit, que l’on nomme le roi très chrétien de France ; devant lequel, nous, les héritiers des grands Sforza, devons nous incliner, ramper presque ! Mais ainsi le veut la politique : il faut hurler avec les loups ! »

Il lut la lettre. Elle lui parut éloquente surtout avec l’appoint, d’une part, des cinquante mille ducats que le comte Belgiojoso verserait dans la poche de Sa Majesté et, d’autre part, avec l’appoint des portraits des beautés italiennes. « Que le Seigneur bénisse ton armée, Roi Très Chrétien – disait le message. Les portes sont ouvertes devant toi. Ne tarde pas, et entre en triomphateur, tel un nouvel Annibal ! Les peuples d’Italie aspirent à ton joug, élu de Dieu, et t’attendent comme jadis les Patriarches espéraient la Résurrection. Avec l’aide de Dieu et celle de ton artillerie renommée, tu conquerras non seulement Naples et la Sicile, mais encore la terre du Grand Turc ; tu convertiras les musulmans au christianisme, tu atteindras la Terre sainte, tu délivreras Jérusalem et le tombeau du Seigneur, en emplissant le monde de ton nom glorieux. »

Un vieillard bossu et chauve entrebâilla la porte du studiolo. Le duc lui sourit affablement, lui faisant signe d’attendre. La porte se referma sans bruit et la tête disparut.