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— Ce ne peut être qu’une absurdité, dit enfin la duchesse. On raconte tant de choses…

— Non, signora. J’ai vu et entendu moi-même. D’autres aussi peuvent l’attester.

— Il y avait beaucoup de monde ?

— Dix mille personnes ; toute la place devant le palais de Pavie était noire de monde, grouillante…

— Qu’as-tu entendu ?

— Lorsque madonna Isabella est sortie sur le balcon en tenant le petit Francesco, tout le monde a agité les bras et les chaperons, beaucoup pleuraient. On criait : « Vive Isabella d’Aragon ! Vive Jean Galéas, roi légitime de Milan, héritier de Francesco ! Mort aux usurpateurs du trône ! »

Le front de Béatrice se rembrunit.

— Tu as entendu ces mots ?

— Et encore d’autres, pires…

— Lesquels ? Dis, ne crains rien.

— On criait… ma langue se refuse à articuler, signora… On criait… : « Mort aux voleurs ! »

Béatrice frissonna, mais se dominant aussitôt, elle dit doucement :

— Qu’as-tu entendu encore ?

— Je ne sais vraiment comment le redire…

— Allons, vite ! Je veux tout savoir.

— Croiriez-vous, signora, que dans la foule on disait que le sérénissime duc Ludovic le More, le tuteur, le bienfaiteur de Jean Galéas, avait enfermé son neveu dans le fort de Pavie sous la garde d’espions et… de meurtriers. Puis ils se sont mis à crier, demandant que le duc