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La duchesse se prit à rire.

— Ah ! monna Sidonia, je ne puis me fâcher contre toi. Où prends-tu tout cela ?

— Croyez la vieillesse ; tout ce que j’avance n’est que la vérité. Je sais aussi dans les affaires de conscience distinguer la paille de la poutre. Chaque légume croît en son temps.

— Tu raisonnes comme un docteur en théologie !

— Je suis une femme ignorante. Mais je parle avec mon cœur. La jeunesse en fleur ne se donne qu’une fois, car à quoi sommes-nous utiles, pauvres femmes, quand nous sommes vieilles ? Tout juste bonnes à surveiller la cendre des cheminées. Et on nous envoie à la cuisine ronronner avec les chats, compter les pots et les lèchefrites. Tel est le dicton : « Que les jeunesses se régalent et que les vieilles s’étranglent. » La beauté sans amour est une messe sans Pater, et les caresses du mari sont tristes comme jeux de nonnes.

La duchesse rit de nouveau.

— Comment ?… comment ?… Répète.

La vieille la regarda attentivement, et ayant probablement calculé qu’elle l’avait assez divertie par ses sottises, s’inclina vers la duchesse et lui murmura quelques mots à l’oreille.

Béatrice cessa de rire, une ombre s’étendit sur ses traits. Elle fit un signe. Les esclaves s’éloignèrent. Seul, le petit nègre resta : il ne comprenait pas l’italien. Le ciel, très pâle, semblait mort de chaleur.