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de la chaleur que le négrillon qui tenait le miroir à monture de nacre et rehaussé de perles fines.

En dépit du grand désir qu’avait Béatrice de donner à son visage un air sévère, à ses mouvements l’autorité qui convenait à son rang, il était difficile de croire qu’elle avait dix-neuf ans, deux enfants et qu’elle était mariée depuis trois ans.

Dans l’enfantine bouffissure de ses joues, dans le pli du cou, sous le menton trop rond, dans ses lèvres fortes, presque toujours pincées capricieusement, ses épaules étroites, sa poitrine plate, dans ses gestes brusques, impétueux, gamins, on voyait plutôt l’écolière, gâtée, fantasque, égoïste, folâtre et sans frein.

Et cependant, dans le regard de ses yeux bruns, ferme et pur comme la glace, luisait un esprit prudent.

Le plus perspicace homme d’État de ce temps, l’ambassadeur de Venise, Marino Sanuto, dans ses lettres secrètes, assurait à son seigneur que cette fillette, en politique, était un véritable silex et beaucoup plus arrêtée dans ses décisions que Ludovic, son époux, qui, fort raisonnablement, obéissait en toute chose à sa femme.

La petite chienne aboya méchamment.

Dans l’escalier tournant qui réunissait la terrasse aux salles de toilette, parut, geignant et soupirant, une vieille femme en habits de veuve. D’une main elle égrenait un chapelet, de l’autre elle s’appuyait sur une béquille. Les rides de son visage auraient pu sembler respectables sans le sourire mielleux et les yeux mobiles comme ceux d’une souris.