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Guillaume ne termina pas son poème ; la mort probablement l’en empêcha. Il semble pourtant qu’il était près de la conclusion : l’amant a conquis le cœur de la jeune fille et obtenu d’elle des gages de son amour. Honte, Peur et Danger se sont rendus ; l’amie a été touchée par les « brandons » de Vénus ; elle agrée les « granz privetez » de l’amant, elle « est preste a recevoir ses jeus », elle lui a donné le baiser doux et savoureux, sachant bien que c’est « erres dou remanant ». Elle répond entièrement à son amour et n’est plus séparée de lui que par l’étroite surveillance de ses parents ; et cette surveillance est confiée à une duègne, « qui sait toute la vieille dance », mais de qui les largesses de l’amant auront facilement raison. En somme, il ne reste plus qu’à réduire Male-Bouche et à tromper Jalousie après quoi l’amant pourra cueillir la rose et se réveiller ensuite.


Succès de la première partie du roman.


Le poème de Guillaume a joui d’un grand succès, attesté par différents témoignages indirects que je vais énumérer.

Il a suscité deux continuations celle de Jean de Meun, et une autre, anonyme. Celle-ci est très probablement la plus ancienne ; bien qu’elle ne se distingue du roman ni par le dialecte ni par la versification, il serait tout à fait déraisonnable de l’attribuer à Guillaume lui-même. C’est une finale postiche, maladroite, beaucoup trop courte ; dans ses 78 vers ne figurent pas moins de cinq personnages nouveaux. En voici le contenu : Pitié, Beauté, Bel-Accueil, Loyauté, Doux-Regart, Simplece, profitant de ce que Jalousie s’est endormie, sortent, malgré Peur et à l’insu de Male-Bouche, de la tour dont Bonne-Amour leur a ouvert la porte, et viennent à