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Et il y avait dans sa voix une douceur et une tendresse inexprimables.

Et la femme aux cheveux blancs répondit : Ma fille, Dieu est le maître : ce qu’il fait est bien fait.

Ayant dit ces mots, elle se tut un peu de temps ; ensuite elle reprit :

Quand je perdis votre père, ce fut une douleur que je crus sans consolation : cependant vous me restiez ; mais je ne sentais qu’une chose alors.

Depuis, j’ai pensé que s’il vivait et qu’il nous vît en cette détresse, son âme se briserait ; et j’ai reconnu que Dieu avait été bon envers lui.

La jeune fille ne répondit rien, mais elle baissa la tête, et quelques larmes, qu’elle s’efforçait de cacher, tombèrent sur la toile qu’elle tenait entre ses mains.

La mère ajouta : Dieu, qui a été bon envers lui, a été bon aussi envers nous. De quoi avons-nous manqué, tandis que tant d’autres manquent de tout ?

Il est vrai qu’il a fallu nous habituer à peu, et, ce peu, le gagner par notre travail ; mais ce peu ne suffit-il pas ? et tous n’ont-ils pas été dès le commencement condamnés à vivre de leur travail ?

Dieu, dans sa bonté, nous a donné le pain de chaque jour ; et combien ne l’ont pas ? un abri, et combien ne savent où se retirer ?

Il vous a, ma fille, donné à moi : de quoi me plaindrais-je ?