Page:De Lamennais - Paroles d'un croyant, 1838.djvu/56

Cette page n’a pas encore été corrigée

une ombre qui lentement se mouvait ; et peu à peu, l’ombre s’approchant, je distinguai, non pas un homme, mais la ressemblance d’un homme.

Et à l’endroit du cœur, cette forme humaine avait une tache de sang.

Et elle s’assit sur la pierre humide et verte, et ses membres grelottaient, et, la tête penchée, elle se serrait avec ses bras, comme pour retenir un reste de chaleur.

Et par les six autres sentiers, six autres ombres successivement arrivèrent au pied du rocher.

Et chacune d’elles, grelottant et se serrant avec ses bras, s’assit sur la pierre humide et verte.

Et elles étaient là, silencieuses et courbées sous le poids d’une incompréhensible angoisse.

Et leur silence dura longtemps, je ne sais combien de temps, car le soleil ne se lève jamais sur cette plaine : on n’y connaît ni soir ni matin. Les gouttes d’eau noirâtre y mesurent seules, en tombant, une durée monotone, obscure, pesante, éternelle.

Et cela était si horrible à voir que, si Dieu ne m’avait fortifié, je n’aurais pu en soutenir la vue.

Et, après une sorte de frissonnement convulsif, une des ombres, soulevant sa tête, fit entendre un son comme le son rauque et sec du vent qui bruit dans un squelette.

Et le rocher renvoya cette parole à mon oreille :

Le Christ a vaincu : maudit soit-il !