Page:De Lamennais - Paroles d'un croyant, 1838.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et tous dévorent, dévorent ; et leur faim va croissant, et ils se ruent les uns sur les autres, et la chair palpite, et les os craquent sous la dent.

Un marché s’ouvre, on y amène les nations la corde au cou ; on les palpe, on les pèse, on les fait courir et marcher : elles valent tant. Ce ne sont plus le tumulte et la confusion d’auparavant, c’est un commerce régulier.

Heureux les oiseaux du ciel et les animaux de la terre ! nul ne les contraint ; ils vont et viennent comme il leur semble bon.

Qu’est-ce que ces meules qui tournent sans cesse, et que broient-elles ?

Fils d’Adam, ces meules sont les lois de ceux qui vous gouvernent ; et ce qu’elles broient, c’est vous.

Et à mesure que le prophète jetait sur l’avenir ces lueurs sinistres, une frayeur mystérieuse s’emparait peu à peu de ceux qui l’écoutaient.

Soudain sa voix cessa de se faire entendre, et il parut comme absorbé dans une pensée profonde. Le peuple attendait en silence, la poitrine serrée et palpitante d’angoisse.

Alors le prophète : Seigneur, vous n’avez point abandonné ce peuple dans sa misère ; vous ne l’avez pas livré pour jamais à ses oppresseurs.

Et il prit deux rameaux, et il en détacha les feuilles, et, les ayant croisés, il les lia ensemble, et il les éleva au-dessus de la multitude, disant : Ceci sera votre salut ; vous vaincrez par ce signe.