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28 JACQUES DE LACRETELLE

c’est le fait français, qui, depuis quelque mille années, nous a groupés sous la forme d’une nation, que nous soyons nés en terre bretonne, ou normande, ou bourguignonne.

Comment l'expliquer, comment l’analyser ? Ah ! je laisse ce soin à d’autres plus savants ou plus poètes que moi. Il y a sur ce thème d’admirables pages de Michelet, de Barrès, de Péguy. Je sais seulement que c’est un fait plus fort que la race. Car, ai-je besoin de le rappeler, il y a, parmi les Cana- diens français, des souches de toutes nos provinces, des Nor- mands et des Gascons, des Savoyards et des Saintongeais.

Et quand je vois par l'exemple que nous offre le Canada, la persistance de cette union, la ténacité du souvenir français dans des cœurs qui nous sont devenus étrangers nominale- ment, je pense que nos adversaires sont bien absurdes de croire à la décadence de notre pays ou au déclin de notre influence.

C'est une affirmation dépourvue de mauvais orgueil, mais qu’on peut proclamer hautement : la France existe même en ceux qui ne dépendent plus d'elle.

Seulement — et c’est là une autre réflexion qu’il m'a été donné de faire tout naturellement au Canada à la lumière des événements d'Europe — elle règne sur tous ces lointains sujets sans tyrannie, sans pression d’aucune sorte. Et voilà sans doute qui explique le pouvoir et la durée de cette influence. Le fait français, tel que je l’entends ici, est un climat spirituel qui ne porte atteinte ni à la personne humaine ni aux diverses obli- gations d’un groupe national. Dans la province de Québec, le clergé répand sa parole en français, les Universités enseignent en français. Et cela suffit à nourrir un amour vieux de trois siècles entre nos frères canadiens et nous.

Comparez cette doctrine d’attachement volontaire et de fidé- lité désintéressée à l’autre doctrine, la doctrine germanique, qui ne connaît que la possession des individus et veut asservir