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LE CANADA ENTRE EN GUERRE 27

position et notre art dégénéré, comme nos ennemis le procla- ment ?

« Nullement, car ces recherches suivent un grand principe, une vieille tradition que nous ne renierons jamais et qui a fait votre force : celle qui veut que l'individu soit libre et se sente fier de l’être. Libre de suivre sa vocation, de choisir son sys- tème de gouvernement et son métier. Libre, en un mot, d’affr- mer sa personnalité. »

IV

La semaine qui a précédé la déclaration de la guerre, je me trouvais en pleine forêt canadienne.

Sans journaux, sans télégraphe, sans téléphone, j'aurais pu me sentir perdu. Détrompez-vous. Il me suffisait de heurter à la porte de n'importe quelle cabane de bûcheron ou de can- tonnier pour entendre parler français, pour être interrogé et réconforté. L’un de ces braves gens m'avait même adopté et venait à tout moment m'apporter des nouvelles. « Ça va s’éclaircir.… », répétait-il, la tête levée vers le ciel comme pour conjurer le grain au delà des mers.

Imagine-t-on l’écho de ces mots dans un site désert, à des milliers de lieues du sol français ? Pourquoi, me demandai-je, ces simples travailleurs des bois, qui n’ont rien à attendre de nous, qui ne peuvent nourrir l’ambition d’aller en France, et à qui notre culture n’apportera jamais grand’chose, pourquoi n’ont-ils qu'un désir, qu’un devoir : faire épeler un alphabet français par leurs enfants ?

Quel est donc ce baptême qu'ils ont reçu et dont ils ont si bien conservé l'empreinte ?

Ce baptême, c’est celui que nous avons reçu nous-mêmes,