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20 JACQUES DE LACRETELLE

distants du nôtre, qui aient suscité ici, depuis quelque temps, une littérature aussi abondante ? Littérature romanesque, avec Hémon, Constantin Weyer et d’autres ; politique ou histo- rique avec André Siegfried, Firmin Roz et Gabriel Louis- Jaray. Et chez les simples touristes c’est la même attraction, j'allais écrire la même nostalgie. Le Français n’aime guère le dépaysement trop violent. Il admire toujours ce qui émeut sa sensibilité et fait refleurir une tradition familière. Si bien que, s’il le pouvait, il courrait souvent se recueillir sous cet arbre tutélaire qui n’a cessé de croître depuis deux siècles.

Ce ne sont pas là des mots puisque en ces deux cents ans, et sans le secours d’une immigration nouvelle, les Canadiens français sont passés de soixante-dix mille à près de trois mil- lions.

D'où vient l’étonnante vitalité de ce rameau détaché de nos provinces, phénomène qu’on a nommé le miracle canadien ? Songez, en effet, que la vie a été dure pour ces colons et que les Anglais, pendant longtemps, ne les ont pas ménagés.

Eh ! bien, il est dû d’abord, dans une certaine mesure, à cette condition de minorité et de demi-oppression où les Fran- çais de là-bas ont vécu. C’est un fait que les minorités trouvent souvent une force de résistance, une volonté de renaître qui donnent à leurs familles un dynamisme supérieur. Elles se protègent par un ensemble de coutumes, par un système d'application patiente que le groupe adverse néglige peu à peu. Elles ont un sentiment plus intime de l’honneur. Elles se façonnent une conscience qui devient un palladium.

En ce qui concerne le Canadien français, il faut ajouter à cette loi générale le grand rôle que le clergé a joué au milieu de cette colonie. Abandonnés par leur roi, privés de leurs chefs, cette poignée de paysans et de soldats qui demeurent loin de la mère-patrie n’ont d’autre moyen de s'élever, de