LE CANADA ENTRE EN GUERRE 19
On F'imagine couvert de neige, et il y fait une chaleur tropi- cale pendant un bon tiers de l’année. On le prétend américa- nisé et il respire au rythme de notre province. Et vous-mêmes, Canadiens français, on vous croit généralement froids, portés vers les choses pratiques plutôt que vers la discussion d’idées. Or nulle part, à l’étranger, je n’ai été jeté d'emblée dans un milieu plus passionné et pour lequel la culture intellectuelle compte autant. »
Hélas ! si je vais tenter aujourd’hui, en développant mes impressions, d'ébaucher la psychologie du Canadien français, ce sera par rapport à la guerre. Je renonce à brosser des pay- sages. La guerre est la ruine du genre descriptif. Elle tue les couleurs. Elle rend même bien pâles ces rêveries qui me sont venues dans la forêt canadienne en présence d’un érable au feuillage rouge qui n’avait peut-être été regardé par personne auparavant, ou d’un lac immobile qui me donnait, on ne sait pourquoi, le frisson d’une vie antérieure. À quoi bon ces sen- sations égoïstes ! se dit-on. Il faut secouer tout cela, rapporter seulement ce qui peut convaincre les uns et servir aux autres. T1 faut contribuer à la guerre totale par une parcelle d’infor- mation utile
D'ailleurs la dernière vision que j’ai reçue du Canada n’était plus baignée dans les demi-teintes. La guerre avait éclaté en Europe, j'avais couru à Montréal, et je passais mes journées dans les studios de la Radio, à l'endroit même où les opérateurs, pareils aux voix inflexibles et sûres du chœur antique, apprenaient au Nouveau Monde la folie et les cala- mités prêtes à s’abattre sur l'Ancien.
Et je crois que ces informations, si elles n’apprennent rien de neuf aux Canadiens, seront du moins écoutées chez nous, car j'ai été frappé de voir, à l’occasion de ce voyage, combien les Français s'intéressent au Canada. C’est un peu la Terre Sainte dont rêvaient les Croisés. Est-il beaucoup de pays auesi
