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visible à l'horizon et les calmes eaux du lac, les îlots inhabités, tout semblait se replonger dans je ne sais quel crépuscule millénaire. « À quoi sert, me disais-je, une civilisation qui a tout fondé et qui n’a rien appris ? Elle invente, elle moralise, elle légifère, puis un beau jour, forte de cette science accu- mulée, elle se rejette dans la barbarie par la faute d’un seul homme. »

Notre guide me dit que les Indiens de la Pointe-Bleue devaient, dans quelques jours, repartir pour les forêts du Nord où, pendant l'hiver, ils feraient la guerre aux bêtes. Douce peuplade !

Le soir, nous dûmes rouler longtemps pour achever l'étape. Route solitaire, entre des terres fraîchement défrichées, où les arbres éclatés, renversés, composaient un paysage que les Français de plus de vingt ans d’âge connaissent bien. Un peu avant minuit, une splendide aurore boréale éclaira le ciel. Qui n’a demandé, dans son enfance, après avoir lu Jules Verne : « Qu'est-ce qu’une aurore boréale ? A quoi cela ressemble- t-il ? »

Je le sais à présent. À la vue de ce prodige, devant ces belles stries blanches qui se déplacent à mi-hauteur du ciel, l’homme d’aujourd’hui pense immédiatement aux fuseaux des projec- teurs et aux batailles de demain.

III

« De quelle manière et jusqu’à quel point le Canada colla- borera-t-il à la cause commune ? C’est ce que le Parlement lui-même décidera. Tout ce que je puis dire pour le moment, c’est que le Canada comme nation libre de la communauté des